Origine du carlin

  L ES ORIGINES DU CARLIN
Nombreuses sont les hypothèses concernant les origines du Carlin. Comme nous
le verrons, elles sont très controversées et parfois peu vraisemblables.
A/ DIFFERENTES HYPOTHESES
1. L'existence d'un lien entre les Carlins et les chiens de type Mâtin
Selon Buffon, naturaliste et écrivain français du XVIIIe siècle, le Carlin
descendrait du Dogue Allemand. Cornevin, naturaliste de la fin du siècle dernier,
pensait qu'il provenait d'une miniaturisation du Dogue de Bordeaux. [36].
Aux yeux de Pierre Mégnin, ce ne serait qu'un Mastiff de taille réduite. Pour
soutenir sa thèse, il s'appuie sur les travaux de classification de Baron,
Professeur de Zootechnie à Maisons-Alfort [18].
Celui-ci a mis en oeuvre une classification des races selon trois coordonnées
ethniques qui sont l'alloïdisme, l'hétérométrie et l'anamorphose. Chacune d'entre
elles est caractérisée par un 0 pour les données moyennes, un + et un – pour
figurer les variations bilatérales de Baron vers l'accentuation ou la diminution d'un
caractère.
. Ainsi, pour l'alloïdisme correspondant au profil de l'animal ( i.e. variation de
silhouette et nature des extrémités), Mastiff et Carlin sont tous deux concaves
car ils présentent un os frontal déprimé, des yeux ronds et proches du plan
médian et d'autre part, ils dégagent une impression centrifuge avec les
extrémités rejetées loin du corps sur la silhouette vue de profil.
. L'hétérométrie signifie variation du format. On la caractérise par la taille et le
poids. Le Mastiff, chien grand et lourd, sera dit hypermétrique (symbolisé par
un +). Le Carlin, petit et léger, est dit ellipométrique (symbole -).
. L'anamorphose est l'étude de la variation des proportions. On les définit grâce
aux relations entre la longueur, la largeur et la hauteur du corps. Le Mastiff
apparaît médioligne avec des proportions dans la moyenne (caractérisé par
0). Le Carlin, avec son corps trapu, est un bréviligne (symbole -).

La comparaison entre les trigrammes signalétiques du Mastiff ( -+0 ) et du Carlin
(-) laisse apparaître une seule similitude : ils sont tous deux de type concave
[58]. Mégnin laisse volontairement de côté format et proportions puisque, selon
lui, le Carlin descendrait du Mastiff.
Susan Graham Weall n'adhère pas à cette dernière théorie. De son point de vue,
ce serait une erreur due à la confusion engendrée, par les Anglais qui avaient
donné, aux premiers Carlins introduits sur leur terre, le nom « Dutch Mastiff »
signifiant Mâtin hollandais. Cette appellation se justifiait par leur provenance de
Hollande.
Mis à part le pelage et la couleur similaires entre le Carlin fauve et le Mastiff, elle
considère que les crânes de ces deux races sont très différents. Selon elle, cette
constatation suffit à réfuter la thèse d'un quelconque lien phylétique entre Carlin
et Mastiff [25].

2. Certaines méthodes apparemment infaillibles pour avoir des Carlins
Vircy pensait, comme beaucoup d'autres, qu'il descendait des chiens de type
Mâtin. Toutefois, il n'adhérait pas au raisonnement d'une miniaturisation évolutive
à partir de certaines lignées de Mâtins. Par contre, il était convaincu qu'avec un
certain savoir-faire, il était possible d'obtenir des chiots Carlins au sein d'une
portée de Mâtins. Pour cela, une seule potion : l'Eau de Vie. Son administration
répétée ainsi que les fréquentes immersions des chiots dans celle-ci devaient,
comme par magie, donner des Carlins [36].
Dans son livre The Pug, Susan Graham Weall condamne une thèse peu probable
selon laquelle leur morphologie faciale résulterait de l'écrasement des os du nez
par la main de l'Homme, lors de la période juvénile [25]. Un tel acte altérant le
phénotype d'un individu n'affecte pas son génotype. Les caractères héritables
n'étant pas modifiés, cette hypothèse doit effectivement être rejetée.
Figure 1 : Grand Carlin femelle en porcelaine marron de Saxe (Galerie H. TRUONG) [24]
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B/ SES RACINES ORIENTALES
1. La Chine : son pays d'origine
Il s'apparente à une race de chien connue en Chine, depuis 3000 ans. Le
berceau de la race serait situé au nord de Canton, plus précisément à Gullin [55].
Des écrits datant de 600 ans avant JC font état de chiens à « face plate »
apparaissant comme les ancêtres du Carlin moderne [49]. Dans des manuscrits
de l'an 551 avant JC, Confucius faisait, lui aussi, référence à ces chiens [25].
De nombreux autres témoignages permettent de confirmer son origine chinoise.
Par exemple, un parchemin remontant à l'époque Ch'ing représente les trois
races les plus prisées de l'époque à savoir les ancêtres du Carlin, ceux du
Pékinois et également du Shih-Tzu [36].
On le retrouve sur des sculptures en céramique de l'époque Ch'ien Lung. Sur un
vase de jade de cette époque (1796-1735 avant JC), intitulé « On Fabulous
Animal », on retrouve un chien qui lui ressemble fort .
Certaines oeuvres d'art nous le présentent sculpté dans des matériaux rares ou
de la porcelaine, en particulier sous la dynastie Ming. Celles-ci étaient souvent
disposées par paires à l'entrée des temples et formaient le couple de « chienslions
». Celui de gauche avait la patte antérieure droite reposant sur une sphère :
symbole de pouvoir. Le chien de droite protégeait un chiot de sa patte antérieure
gauche. A la façon des lions ou des taureaux dans d'autres civilisations, ce
couple avait une fonction sacrée et permettait d'éloigner les esprits du Mal.
Des statues en terre cuite à son effigie ont également été retrouvées sur les
pierres tombales de la dynastie Han (220-25 avant JC). De plus, une véritable
pièce archéologique a été mise à jour : un Carlin beige trouvé dans le tombeau
d'un empereur de l'époque. Ce chien, présenté à la façon d'une figure du
zodiaque, se trouve désormais au musée Cernuschi, à Paris [55].
L'élevage de chiens, ressemblant très fortement au Carlin d' aujourd'hui, a débuté
dès la dynastie Chiang, entre 1751 et 1111 avant JC.
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2. Une race très ancienne
Il est très facile de faire le parallèle entre le Carlin que l'on connaît et les chiens
« courts sur pattes » et « à face plate » décrits dans un dictionnaire de l'an 950
après JC. L'ouvrage, réalisé à la demande de l'Empereur Kang Hsi, regroupe
tous les caractères chinois de l'époque [49].
Des divers témoignages du passé, il apparaît que trois races de petits chiens
étaient particulièrement prisées en Chine : le Chien Lion, le Pékinois et le Lo Sze.
C'est plus précisément de ce dernier que descend le Carlin actuel.
En effet, dans un livre datant du début des années 1900, on reconnaît aisément
le Carlin à travers la description du Lo Sze. Ce livre, Chiens en Chine et au
Japon, raconte l'histoire de la vie de Wang Hou Chun, un domestique attaché à
l'élevage des chiens pendant 75 ans, au Palais Impérial [49].
Il apparaît que le Pékinois et le Lo Sze sont semblables sur de nombreux points,
excepté le poil ras et serré de ce dernier ainsi que sa peau très élastique.
Toutefois, il faut savoir que ces caractères n'ont pas toujours eu une bonne
reproductibilité, les Chinois aimant croiser les trois races qu'ils appréciaient le
plus. Il n'était donc pas rare de trouver des Carlins à poil long au sein d'une
portée ainsi que d'autres tachés de blanc voire, quelquefois, tout blancs. Par la
suite, une longue sélection a permis de mettre un terme à ces lignées [49].
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3. Un chien symbole de noblesse
Des écrits remontant au premier siècle avant JC relatent l'existence de petits
chiens brachycéphales communément appelés « Païs ». Les « Païs » avaient
leur place sous les tables. Plus tard, l'Empereur Kang Hsi a donné le nom de
« Païs » aux races Toys [25].
De nombreux Empereurs sont tombés sous le charme du Carlin, quelquefois
même aux dépends de leurs devoirs. Ainsi, l'Empereur Ling Ti, entre 168 et 190,
a offert à son chien le Chapeau et la Ceinture Officiels de l'Ordre de Chin Hsien.
D'autres Empereurs ont également décerné des titres à leurs petits compagnons,
notamment ceux de K'Aifu et de Yi Tung. Cela correspondait, à l'époque, au
statut de Vice Roi et de Gardien Impérial. Ils avaient donc une position très
particulière au sein de la société chinoise [18].
A ce sujet, on raconte que, durant la Dynastie Tang, un voleur a été fouetté au
sang parce qu'il avait découvert la cachette du Carlin du maître de maison. Celuici,
membre du Conseil sous le règne de Hsi Tsoong, souhaitait que son chien

nommé Wang To- soit tenu à l'abri des regards [55].
Autre anecdote, l'Empereur Ming, jouant aux échecs avec un Prince, vit le
plateau de jeu bouleversé par le Carlin de sa favorite. Ce dernier s'était échappé
du sac brodé dans lequel il se trouvait. Une telle perturbation aurait été grave si
ce n'avait été le Carlin qui en fut l'origine. Cette anecdote, datant de la dynastie
Tang, révèle bien la place privilégiée qu'occupait le Carlin, en ces temps reculés
[55].
En raison de son poil ras, les rides frontales de l'ancêtre du Carlin étaient plus
visibles que celles d'autres races telles que le Pékinois. Ainsi, il prit une
dimension mythique, lorsque dans les Cours Impériales, on s'imagina qu'elles
avaient une signification magique. Effectivement, très souvent, on y devinait les
idéogrammes de « la plus grande distinction » et de « la noblesse » (figure1).
D'autres encore voyaient en elles la représentation du Diamant de l'Empereur.
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Figure 2 : Les idéogrammes que révèlent les rides frontales du Carlin [55]
La plus grande distinction La noblesse
A la Cour Impériale, les Carlins étaient considérés comme de précieux cadeaux
offerts à l'occasion d'un mariage ou lors de rencontres avec les Rois des pays
voisins, comme la Corée ou le Japon. Les chiots étaient élevés à l'abri des
regards, derrière les remparts des cités sacrées des Eunuques [55].
Au Tibet, les Moines Bouddhistes considéraient, eux aussi, hautement l'ancêtre
du Carlin. Selon une légende himalayenne, un jeune Aigle ne pouvait se
transformer et évoluer en Carlin que s'il était touché par l'Homme [18].
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4. Un présent de marque dans les échanges politiques et commerciaux
Dès la dynastie Han (200 ans avant JC), les petits chiens orientaux ont
progressivement émigré vers l'Occident grâce au commerce de diverses
marchandises, notamment de la soie .
Mais c'est surtout à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle que les échanges
commerciaux ont été florissants et que, de ce fait, la dissémination de la race a
véritablement débuté. En effet, les relations commerciales avec le Portugal ont
commencé en 1516, celles avec l'Espagne en 1575 et avec la Hollande en 1604
[25].
Le Carlin était également un moyen d'échange de bons procédés dans les
relations politiques. Ainsi, on raconte que le tsar Pierre Ier le Grand envoya un
Ambassadeur à la Cour de l'Empereur K'ang Hsi ( 1662-1723). C'est un envoyé
de l'Empereur qui l'accueillit, accompagné de nombreux chiens dont des Carlins.
Certains furent offerts en cadeau de bienvenue à l'Ambassadeur Russe [25].
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C/ SON INTRODUCTION EN EUROPE
1. Les différents noms donnés selon les pays
A l'origine, les Chinois l'appelaient chien de Foo ou Fu ce qui signifie « d'origine
noble ». Puis, comme ils étaient élevés dans la ville de Lo Chiang, dans la riche
province de Se Chuan, ils prirent le nom de Lo Chiang Sze et, plus souvent
encore, de Lo Sze.
Pour leur part, les Coréens et les Japonais l'appelaient Suchuan [55].
Aux Pays-Bas, il s'appelle toujours Mopshond.
Dans d'autres pays d'Europe, on l'appelait Mâtin Hollandais parce qu'il a été très
populaire, en Hollande, du temps de la Maison d'Orange.
En Grande-Bretagne, il prit le nom de Pug dès la fin du XVIe siècle. L'étymologie
de ce terme reste controversée, comme nous le verrons plus loin.
En France, il a d'abord été affublé du sobriquet de « roquet » avant de devenir le
petit chien que l'on connaît sous le nom de Carlin. Ce dernier nom lui vient de
l'acteur italien Carlo Bertinazzi (1710-1783) qui interpréta le rôle d'Arlequin dans
la Commedia dell'Arte jusqu'à la fin du XVIIIe siècle [38]. Le parallèle fut ainsi fait
entre le masque d'Arlequin et le court museau foncé du Carlin, sans négliger,
évidemment, l'espièglerie et la malice, autres points communs des deux
protagonistes [66].
En Italie, le nom fut italianisé pour devenir Carlino.
Quant aux Allemands, ils l'ont toujours appelé Mops en raison de son court
museau écrasé [36].
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2. Le Carlin dans les Classifications européennes des races [12]
a) s elon Buffon
En 1755, il a établi une Classification des chiens de l'époque à partir de la
forme et du port de leurs oreilles. Il distinguait ainsi les chiens à oreilles droites
(ex : les Chiens de Berger), ceux à oreilles en partie droite (ex : les Mâtins) et
ceux qui avaient les oreilles molles et tombantes (ex : les Epagneuls). On en
déduit que le Carlin était rangé dans la deuxième catégorie.
b) d'après Cuvier
Cette autre Classification a été réalisée en 1817. Elle prend en compte la
grandeur relative du crâne, la disposition des os pariétaux et la situation des
condyles du maxillaire inférieur par rapport à la ligne des molaires. De cette
façon, Cuvier obtint trois catégories : les Mâtins, les Epagneuls et les Dogues.
C'est dans cette dernière que se trouvait très probablement le Carlin.
c) selon Mégnin
Il s'est d'abord inspiré de Cuvier avant de, finalement, classer les races selon
leur utilité c'est-à-dire, d'après lui : Chiens de Chasse, Chiens de Garde et
Chiens d'Appartement. Le Carlin se trouve, bien entendu, dans la troisième
catégorie.
d) dans les principaux Traités sur les chiens
La Classification selon la fonction des races était très largement répandue. La
plupart des Traités consacrés au chien respectaient, dans les grandes lignes,
la Classification ci-après :
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I. Les Chiens d'Arrêt
II. Les Chiens Courants
III. Les Lévriers
IV. Les Bassets
V. Les Chiens de Berger
VI. Les Chiens de Montagne
VII. Les Mâtins
VIII. Les Dogues
IX. Les Terriers
X. Les Chiens de Luxe et d'Agrément
e) d'après Dalziel
Hugh Dalziel, auteur d'un ouvrage intitulé Les Chiens de la Grande Bretagne,
a établi sa propre Classification en respectant le mode de classement
précédent fondé sur l'utilité des races. Petite différence, il a distingué trois
grandes divisions de chiens:
DIVISION I : les Chiens de Chasse
DIVISION II : les Chiens de Garde et d'Utilité
DIVISION III : les Chiens d'Appartement et les Chiens de Luxe et de
petite taille
Cette dernière comprend deux groupes :
GROUPE I : Carlin, Loulou de Poméranie…
GROUPE II : différents Toys Terriers
f) selon Dechambre
Paul DECHAMBRE, dans son ouvrage de 1921, intitulé LE CHIEN, fait part de
ses travaux de classification des races, effectués en 1894, à la demande du
Professeur BARON. On retrouve les caractères ethniques évoqués au début
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de ce travail concernant les trigrammes signalétiques de BARON à savoir : la
silhouette corporelle (alloïdisme), la taille et le poids (hétérométrie), les
proportions (anamorphose). Il prend, de plus, en compte les détails fournis par
les variations du système pileux.
Il distingue donc :
. trois classes différentes concernant l'alloïdisme : les Concavilignes (ex :
Carlins), les Rectilignes (ex : Braques) et les Convexilignes (ex :
Colleys).
. également trois classes pour l'hétérométrie : le type Bréviligne (ex :
Carlins), le type Médioligne (ex : Braques) et le type Longiligne (ex :
Lévriers)
. toujours trois classes pour l'anamorphose : les races de petite taille et
légères (ex : Carlins), les races de taille et de poids moyens (ex :
Braques) et les chiens grands et lourds (ex : Mastiffs).
. deux grande

de ce travail concernant les trigrammes signalétiques de BARON à savoir : la
silhouette corporelle (alloïdisme), la taille et le poids (hétérométrie), les
proportions (anamorphose). Il prend, de plus, en compte les détails fournis par
les variations du système pileux.
Il distingue donc :
. trois classes différentes concernant l'alloïdisme : les Concavilignes (ex :
Carlins), les Rectilignes (ex : Braques) et les Convexilignes (ex :
Colleys).
. également trois classes pour l'hétérométrie : le type Bréviligne (ex :
Carlins), le type Médioligne (ex : Braques) et le type Longiligne (ex :
Lévriers)
. toujours trois classes pour l'anamorphose : les races de petite taille et
légères (ex : Carlins), les races de taille et de poids moyens (ex :
Braques) et les chiens grands et lourds (ex : Mastiffs).
. deux grandes classes pour le système pileux : les poils courts (ex :
Carlins) et les poils longs (ex : Epagneuls). Ce dernier critère étant
ensuite subdivisé en fonction de l'aspect du poil (dur, frisé ou souple et
ondulé) et de la couleur de la robe.
Sa Classification reposait sur trois Groupes principaux : les Concavilignes, les
Médiolignes et les Convexilignes. Le Carlin avait sa place dans le troisième
Groupe des races Concavilignes, celui des Chiens à poil ras lui-même
subdivisé de la façon suivante :
A.- Les Dogues
Mastiff ou Dogue anglais
Dogue de Bordeaux
Grand Danois
B.- Le Bouledogue
Bouledogue espagnol
Bouledogue anglais
Bouledogue nain
C.- Le Carlin
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A l'époque, il était très différent de ce qu'il est aujourd'hui. Son poids se situait
entre 2,7 kg et 4,5 kg, avec une hauteur au garrot de 30 à 35 cm. Même son
caractère semble avoir évolué puisque, dans son livre, l'auteur le qualifiait de
chien « peu intelligent » et « hargneux » .
g) d 'après le L ivre des Origines Français
Finalement, le dernier mode de classement évoqué sera celui du Livre des
Origines Français tel qu'il était en 1921 (date de publication du livre de P.
DECHAMBRE [12]). Neuf groupes avaient été définis :
1er GROUPE : Chiens de Garde et d'Utilité (17 races)
2ème GROUPE : Terriers divers servant à la Chasse (15 races)
3ème GROUPE : Chiens Courants d'ordre français (2races)
4ème GROUPE : Chiens Courants bâtards (1 race)
5ème GROUPE :Chiens Courants de races étrangères, Chiens de
Lièvre et Lévriers (7 races)
6ème GROUPE : Chiens Courants de petite taille français et étrangers
( 7 races)
7ème GROUPE : Chiens d'Arrêt continentaux (14 races)
8ème GROUPE : Chiens d'Arrêt anglais et Spaniels (15 races)
9ème GROUPE : Chiens de Luxe et d'Agrément (24 races)
La race qui nous intéresse dans ce travail était classée dans le dernier de ces
groupes, parmi les chiens du Groupe 9. Ce dernier comprenait alors cinq
Divisions, le Carlin se trouvant dans la troisième.
15
3. Sa progression sur le territoire européen
a) La Rome antique
Il semblerait que le Carlin était connu dès l'Antiquité romaine. Pline le Jeune
caractérisait un petit chien lui ressemblant fort par l'expression « multum in
parvo ». Ce qui signifie « un concentré de chien en peu de volume ». Cette
définition est si parfaite qu'elle est devenue la devise du Club du Carlin, en
Angleterre [55].
b) La Hollande
Les marins hollandais ont rapporté les premiers spécimens de Carlins, en
Europe. C'est sur les navires de la Compagnie hollandaise des Indes
orientales qu'ils sont arrivés, au XVIe siècle. Les Hollandais leur donnèrent
alors le nom de Mopshond [6].
On ne peut parler de l'Histoire du Carlin sans évoquer celui qui sauva la vie de
Guillaume le Taciturne, entre 1571 et 1573, à Trémigny. Alors que son maître
dormait, Pompéï (le chien) le réveilla en aboyant et en lui sautant au visage. Il
a ainsi permis aux troupes hollandaises de faire face à l'attaque surprise des
Espagnols. Cet incident a été décrit dans Actions in the Low Countries, le livre
de Sir Roger William, publié en 1618. Dès lors, le Prince voulut toujours un
Mopshond, à ses côtés et il fut très largement imité par ses courtisans. C'est
ainsi que le Carlin devint le chien officiel de la Maison d'Orange [16].
Il ne cessa d'être présent à la Cour de Hollande, le siècle qui suivit. Les
opposants au régime ont donc pris comme emblème une autre race de chien
afin de marquer nettement leur opposition au pouvoir. Celle-ci était très
différente du Carlin puisqu'il s'agissait du Spitz-Loup [23].
En 1688, lorsque Guillaume III, l'arrière-petit-fils de Guillaume le Taciturne,
monta sur le trône d'Angleterre avec son épouse Marie II, ils étaient
16
accompagnés d'un petit groupe de Carlins. Ces derniers portaient un ruban
orange autour du cou, preuve de leur noble appartenance [45].
c) L'Angleterre
On rapporte que les Anglais connaissaient la race avant même que Guillaume
III n'accède au trône, en 1688. Selon certains auteurs, le Carlin serait arrivé
sur le sol britannique grâce aux étroites relations que le pays entretenait avec
l'Extrême-Orient.
Toutefois, on peut raisonnablement penser que l'origine de sa notoriété en
Angleterre provient, en grande partie, de l'intérêt que lui manifesta la Maison
d'Orange. En effet, ceux qui, depuis un siècle, étaient considérés comme son
emblème, en Hollande, ont séduit les courtisans anglais. Ces derniers ont
trouvé, en eux, le moyen de montrer leur soutien au nouveau Monarque. C'est
ainsi que le Carlin est rapidement devenu un chien de la Cour d'Angleterre
[55].
Il est connu dans ce pays, sous le nom de Pug. Il existe de nombreuses
controverses sur l'étymologie de ce terme.
La première fois où il est apparu dans la langue anglaise, ce fut en 1566. Il
était alors une marque d'affection utilisée pour les personnes bien plus que
pour les animaux.
Puis, avec l'arrivée de la Maison d'Orange, son sens s'étendit à courtisan,
petit démon, lutin, diablotin, singe…
La ressemblance entre le museau du Carlin et celui du singe est, en effet, très
forte. C'est pourquoi certains pensaient que son nom anglais dérivait de
l'ancien sens de Pug signifiant « singe ». Dans son dictionnaire, en 1731,
Bailey lui donnait donc deux définitions possibles: Pug pouvait désigner soit
un singe, soit un chien.
Pour d'autres, son nom vient du latin Pugnus signifiant « poing ». En effet, la
tête du Carlin, vue de profil, ressemble à un poing fermé. C'était la théorie
défendue par le Révérend Pearce.
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D'autres encore pensaient que c'était une déformation de Puck, la fée
espiègle du Songe d'une nuit d'été de Shakespeare. Toutefois, le Dictionnaire
anglais d'Oxford ne cautionne pas cette thèse, la différence phonétique entre
ces deux termes ne permettant pas d'imaginer un quelconque lien entre eux.
Selon ce même dictionnaire, ce n'est qu'au milieu du XVIIIe siècle qu'il prit le
sens de la définition suivante : « une race naine de chien ressemblant à un
bulldog miniature » [16].
Depuis la fin du XVIIe siècle, le Carlin ne cessa de séduire les Anglais. Sa
popularité atteignit son apogée, au XVIIIe siècle, sous le règne de George III
(1760-1820). Il subsiste un témoignage de l'affection du Roi pour les Carlins :
un portrait actuellement conservé à Hampton Court. Sa petite fille était, elle
aussi, une adepte de la race. En témoigne une lettre de remerciement
adressée à une courtisane, dans laquelle elle émet un seul regret : le petit
chien reçu en cadeau n'est pas un Carlin ! Par la suite, la popularité de ces
chiens déclina avec celle de la monarchie. La classe moyenne, devenue plus
importante, se préoccupait peu des chiens de compagnie [18].
Lorsque la reine Victoria accéda au trône, au XIXe siècle, ce fut le retour de la
popularité des chiens de salon. Elle appréciait les Pékinois, les Carlins et les
Spitz, anciennement appelés Loulous de Poméranie. Sous son règne (1837-
1901), la race a enfin été reconnue de façon officielle et c'est en 1861 que les
premiers Carlins furent présentés à une exposition canine, en Angleterre [18].
L'inscription de la race sur le Livre des origines britannique (The Kennel Club
Stud Book) commença dix ans plus tard, en 1871 et 66 chiens furent
enregistrés dans le premier volume [49]. Celui-ci avait été rédigé de 1859 à
1874 et, en quinze années, il comptait 4027 inscriptions [9]. La race connut
ensuite une baisse de popularité jusqu'à ce que des amateurs se réunissent
en un Club, en 1883. Ils élaborèrent un premier standard de la race, en 1887.
Celui-ci ne fut pas très longtemps suivi.
Quelles que soient les races, les peintres nous ont souvent laissé des traces
de l'apparence des chiens d'antan. Cependant, à l'exception de Hogarth
(1697-1764), on ne dispose pas d'un grand nombre de témoignages de ce
18
que pouvait être le Carlin jusqu'au XIXe siècle. Ce dernier était propriétaire de
chiens de la race. Il a d'ailleurs réalisé un autoportrait sur lequel figure un de
ses Carlins dont le petit nom était Trupp (figure 2). Ce tableau se trouve
actuellement à la Tate Gallery de Londres. On retrouve d'ailleurs Trupp sur
une autre oeuvre du peintre. Il s'agit, cette fois-ci, d'une gravure satirique où
l'on peut voir le chien uriner sur un livre de critique d'art.
Figure 3 : Autoportrait de Hogarth [31]
En observant les différents tableaux laissés, on s'aperçoit assez rapidement
que les Carlins de l'époque étaient différents des spécimens d'aujourd'hui.
Leur nez était proéminent et leurs pattes longues et fines. D'autre part, ils
avaient les oreilles coupées. Cette pratique fut, par la suite, interdite par la
reine Victoria qui la trouvait barbare.
C'est également grâce à William H. Hogarth que l'on a une trace de
l'existence de Carlins noirs au XVIIIe siècle. Il en a représenté un dans un
coin de son oeuvre House of Cards, en 1730. Mais ce n'est qu'à la fin du XIXe
siècle que les amateurs commencèrent à les apprécier. Lady Brassey fut la
première à en exporter. Malgré tout, les Carlins clairs étaient toujours
considérés comme les meilleurs représentants de la race, à cette époque. Ce
n'est qu'en 1918 que les sujets noirs commencèrent à être réellement
appréciés[55].
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L'analyse des bases de l'élevage anglais du Carlin nous ramène au début du
XIXe siècle avec deux lignées génétiques prédominantes: celle des Morrison
et celle des Willoughby.
On raconte que la famille Morrison s'y consacra la première. Il paraîtrait que
les chiens à l'origine de cette lignée soient les descendants directs de ceux de
la reine Charlotte, femme de George III d'Angleterre. Punch et Tetty furent les
deux fondateurs du type Morrison.
L'autre lignée importante était celle de Lord et Lady Willoughby d'Eresby.
Leurs chiens provenaient essentiellement de Russie et de Hongrie afin
d'apporter du sang neuf à l'élevage anglais. Mops et Nell sont les noms des
deux Carlins Willoughby qui ont le plus marqué leur époque.
Chaque élevage avait ses propres caractéristiques qui nous permettent,
encore aujourd'hui, de parler de type Morrison ou Willoughby [63].
En effet, on reconnaît très généralement le type Morrison à travers un chien
au pelage roux avec peu à très peu de poils noirs. Le corps est compact et
trapu. La trace sur le dos est marron clair et non pas de couleur noire. Le
Carlin d'aujourd'hui est très proche de ce type.
Les Willoughby, quant à eux, sont caractérisés par leur pelage où se mêlent
des poils fauves et noirs. Leur tête est quasiment entièrement noire. Ils portent
souvent sur le dos de larges traces noires à la façon d'une selle de cheval. Ils
sont hauts sur pattes et ont le corps mince [49].
Des croisements furent effectués entre ces deux types. Les Morrison
devinrent un peu plus foncés et donnèrent des chiens abricot. Les Willoughby
prirent un peu de la flamme des Morrison pour donner, finalement, les Carlins
beiges d'aujourd'hui.
Un autre tournant dans l'élevage anglais du Carlin fut l'importation, en 1868,
de deux sujets de souche chinoise, par le marquis de Wellesley. Les deux
chiens s'appelaient Lamb et Moss. Ils eurent un descendant, Click, qui eut
une grande carrière de reproducteur. On le considère comme le père du
Carlin moderne [45].
d) L'Espagne et le Portugal
Il est arrivé en Espagne via le Portugal, ce dernier ayant développé des
rapports étroits avec l'Extrême-Orient. Les premiers spécimens seraient
apparus en Espagne, au XVe siècle, à la Cour de la Reine Isabelle(1474-
1504). Il faut moduler ces propos parce que nous ne possédons pas de
véritables preuves de sa popularité dans le pays, à cette époque, même s'il
nous reste de petites anecdotes historiques.
En effet, lors du siège de la forteresse d'Ostende, la reine Isabelle avait
annoncé qu'elle ne changerait pas de linge jusqu'à ce que la forteresse ne se
rende. Or, celui-ci ayant duré trois ans, on comprend mieux l'ironie avec
laquelle les Français ont donné le nom d'isabelle à une des couleurs de la
robe du Carlin. Le parallèle fut ainsi établi entre le jaune-brun de la race et la
couleur du linge intime de la Reine.
D'autre part, en Espagne, au XVe siècle, ils étaient tous surnommés Bella ou
Belle, en l'honneur de la Reine, autre preuve de leur popularité
Ils ont été largement appréciés en Espagne, jusqu'au XVIIIe siècle. C'est à
Goya que l'on doit les rares témoignages de l'existence et de la place de ces
chiens, dans la société de l'époque. En effet, on aperçoit un Carlin sur le
tableau de la Marquise de Pontejos, qu'il a réalisé en 1785. Il porte autour du
cou, un collier richement décoré. De plus, on peut remarquer qu'il a les
oreilles coupées, pratique qui, comme en Angleterre, fut ensuite abandonnée
[55].
Figure 4 : Marquise de Pontejos (Goya, 1785) [31]
21
e) La Russie
La race serait connue en Russie, depuis le XVIe siècle. Certains auteurs
évoquent des documents qui attesteraient de sa présence à la Cour de
l'époque. L'écrivain russe Taplin a d'ailleurs avancé la thèse d'une
« migration » du Carlin vers l'Europe avec la Russie pour première escale.
Son livre, Sportsmans Cabinet, n'ayant eu aucun succès, cette hypothèse a
vite été oubliée.
L'histoire de l'Ambassadeur russe qui se rendit en Chine, à la Cour de
l'Empereur K'ang Hsi (1662-1723) et revint en Russie accompagné de Carlins,
nous permet d'envisager leur présence en Russie, au XVIIe siècle, avec plus
de certitude (cf : I. B/ 4.).
Autre témoignage de sa présence à la Cour , à cette époque : un tableau peint
par L. M. Van Loo, actuellement exposé au musée Pouchkine. Il représente la
princesse Galitzine en compagnie d'un Carlin posant fièrement sur ses
genoux.
Il semblerait qu'il ait toujours eu sa place auprès des Grands de Russie. En
effet, on raconte que la tante de Catherine II la Grande en possédait plusieurs.
Cette dame, la Princesse Sofia Augusta Provas Hedrig, les laissait s'amuser
dans une grande pièce qu'ils partageaient avec des perroquets.
La popularité du Carlin, en Russie, a ensuite grandi jusqu'à figurer dans Le
Docteur Jivago, roman de Pasternak, publié en 1957 [55] [18].
f) L'Allemagne
Les Allemands l'appellent Mops, ce qui signifie « petit museau ». Il reste peu
de traces du passé de la race, en Allemagne.
22
En effet, ce n'est qu'au XVIIIe siècle que l'on retrouve un témoignage de
l'existence du Carlin, en Allemagne. Au cours de l'année 1736, le Pape a
excommunié les Francs-Maçons. Ces derniers ont poursuivi leurs activités
secrètes sous le nom de guerre, « l'Ordre du Carlin ». Il devint alors leur
emblème et son image fut apposée sur de nombreux objets de l'Ordre [16].
g) L'Italie
Son histoire en Italie a commencé dès l'Antiquité Romaine. Comme nous
l'avons vu, Pline le Jeune (61-114) a défini le Carlin par « multum in parvo »
ce qui signifie « un concentré de chien en un petit volume ».
Puis, le Moyen-Age ne nous en laisse pas beaucoup de traces, excepté
quelques gargouilles ayant toujours pour rôle d'exorciser le Mal. C'est au
Musée du Dôme de Milan que l'on peut voir une belle oeuvre, attribuée au
sculpteur toscan Tino di Camaino (1285-1337). La sculpture représente une
tête de chien très proche du Carlin de type Willoughby. On peut ainsi
supposer que cette race existait en Italie dès le XIVe siècle.
Cependant, le Carlin ne sortit réellement de l'anonymat qu'au XVIIIe siècle.
C'est à cette période qu'il prit le nom de « Carlino » en référence au célèbre
acteur jouant le rôle d'Arlequin, Carlo Bertinazzi (1713-1783).
Toujours au XVIIIe siècle, on le retrouve en sujet de premier plan sur un
tableau du peintre bolognais Giuseppe Maria Crespi (1665-1747).
Cependant, un livre publié en 1789 ne mentionne l'existence que de deux
Carlins en Italie, à cette époque.
Cette race a progressivement conquis les aristocrates. Ceci explique que l'on
trouve de nombreux tableaux représentant de nobles personnages avec leur
Carlin. Cette mode a duré du XIXe siècle jusqu'à la Belle Epoque [55].
23
h) La France
Le Carlin aurait été introduit en France peu après son apparition en
Angleterre. Cependant, on constate qu'il a été découvert sensiblement à la
même époque, dans tous les pays d'Europe occidentale.
Ainsi, la vogue du Carlin commença sous le règne de Louis XV. Ils
occupaient une position enviée de nombreux Courtisans. Cachés sous les
amples robes de leurs maîtresses, ils aboyaient voire mordaient, avec hargne
les courtisans se montrant trop hardis. Ils étaient considérés comme les
attributs de la gente féminine aristocrate à laquelle les nouveaux riches ont
vite emboîté le pas [18]. La Marquise de Pompadour (1721-1764), favorite de
Louis XV, était connue pour son amour des Carlins. Un de ses amis, Voltaire
(1694-1778) était lui aussi un heureux propriétaire de chiens de cette race
[64].
Figure 5 : Niches d'antichambre [11]
Oudry (1686-1755), qui fut peintre à la cour de Louis XV, en a réalisé
plusieurs portraits. L'une de ses oeuvres est restée célèbre : le Carlin de
Marie-Antoinette, l'épouse de Louis XVI. L'attachement de ce petit chien pour
sa Reine était tel qu'il l'accompagna jusqu'à la guillotine.
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Figure 6 : Un Carlin paré d'un collier de ruban rouge, J.-B. OUDRY [11]
La Révolution de 1789 s'attaqua à tous les symboles de l'Aristocratie dont le
Carlin. Il tomba peu à peu dans l'oubli avant de ne refaire surface sous
l'Empire, aux côtés des Dames bonapartistes.
En effet, Joséphine de Beauharnais (1763-1814), épouse de Napoléon
Bonaparte (1769-1821), possédait un dénommé Fortuné. Celui-ci était très
attaché à sa maîtresse, voire jaloux. Lors de sa nuit de noce, il mordit
Napoléon au mollet. Les relations furent, dès lors, assez tendues entre eux
deux. Cependant, le Bulldog du cuisinier eut raison de Fortuné. Ne supportant
pas l'absence de son chien, Joséphine en reprit aussitôt un autre auquel elle
donna exactement le même nom. Cet incident nuptial est d'autant plus
surprenant sachant que Fortuné était l'unique moyen de communications
entre Napoléon et Joséphine lorsqu'elle se trouvait au monastère des
Carmélites. En effet, l'Empereur cachait des billets doux sous son collier afin
qu'ils lui parviennent, dans le plus grand secret. Les Carlins devinrent alors les
chiens fétiches de la Maison Bonaparte. Outre Joséphine, Lucien Bonaparte,
l'un des frères de Napoléon, en possédait lui aussi et en aurait élevé plusieurs
dizaines.
A cette même époque, le Prince français Louis Antoine Henri de Bourbon
(1772-1804), mieux connu sous le nom du Duc d'Enghien, possédait un Carlin
qu'il avait appelé Mohiloff. Lorsque Napoléon fit arrêter le Duc, le
soupçonnant, probablement à tort, d'être de connivence avec Cadoudal et
Pichegru, dans le complot fomenté contre lui, Mohiloff n'abandonna pas son
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maître. L'exécution eut lieu le 21 mars, à Vincennes. Le Carlin se serait laissé
mourir sur la tombe de son maître si le Marquis de Béthisy ne l'avait recueilli
quasiment mort d'inanition sur les lieux de l'exécution. Ce dévouement
extrême émut terriblement l'opinion publique si bien que, à sa mort, le Marquis
le fit embaumer [32]. Symbolisant la fidélité éternelle, on peut désormais voir
le corps de Mohiloff, exposé au musée de Rohan.
L'intérêt porté à la race diminua ensuite sous le règne de Louis-Philippe
(1830-1848) alors qu' une expression de l'époque disait pourtant « racé
comme un Carlin ». Le Pékinois a profité de ce désintérêt passager pour
attirer l'attention sur lui.
Un certain Revoil rapporta, dans son histoire des races de chiens, qu'il fut
extrêmement surpris de compter deux Carlins, à l'exposition de 1865. Ceux-ci
avaient jusque là déserté la scène publique. On ne compte pas plus de cinq à
six sujets dans les expositions du début du XXe siècle. Les deux guerres n'ont
pas facilité l'élevage [18].
Finalement, après le vide causé par les guerres en Europe, ce sont le Duc et
la Duchesse de Windsor qui remirent la race sur le devant de la scène, dans
les années 1970. Ils vivaient avec un groupe de Carlins qu'ils emmenèrent
avec eux, en France. C'est ainsi que lors de leurs séjours à Nice, à l'hôtel
Négresco, on pouvait apercevoir une meute de ces chiens avec, en guise de
collier, un petit noeud de satin bleu ciel. Avec la fougue qui les caractérise, on
raconte qu'ils se sont emparés de l'hôtel et qu'ils ont séduit les Français [55].
La chanteuse Dalida était, elle aussi, propriétaire de Carlins. Elle en a eu
trois : d'abord Jerda puis Vizir et Pacha [31].
i) Les Etats-Unis
Les premiers Carlins arrivèrent sur le sol américain, peu après la Guerre
Civile. Cette race a été reconnue et officialisée par l'AKC, en 1885. L'AKC
26
(American Kennel Club) est l'équivalent de notre Société Centrale Canine
[43].
Roderick était l'un des plus beaux spécimens importés . Il remporta de
nombreux prix en exposition. Par la suite, Click, le fameux fils de Lamb et
Moss, a également été importé aux USA où il assura sa descendance et
l'avenir de la race.
Après un début prometteur, les Carlins ont ensuite été supplantés par des
races de chiens de compagnie, à poil long. Ainsi, après la vogue du Carlin, il y
eut celle du Pékinois et du Loulou de Poméranie.
En effet, on ne trouve que peu d'inscrits sur leurs Stud Books, à l'AKC, entre
1900 et 1920. De la même façon, de nombreuses expositions se déroulèrent,
à l'époque, sans un seul Carlin.
Finalement, en 1931, un groupe d'éleveurs et d'amateurs de la race, sur la
côte Est, se sont regroupés pour former le Pug Dog Club of America (PDCA).
Ce Club américain du Carlin a officiellement été reconnu par l'AKC le 1er
décembre 1931.
Après avoir charmé les plus grandes monarchies d'Europe, le Carlin a séduit
de nombreuses personnalités. Ainsi, dans les années 1970, des stars comme
Richard Burton, Joan Blondelle, Lena Horne, Sylvia Sydney et Eddie Albert
étaient d'heureux propriétaires de Carlins. Le Prix Nobel Patrick Blondell et le
sénateur du Connecticut, Lowell Weick ont eux aussi contribué à faire
connaître la race. Plus activement encore, il y eut la comédienne Kay
Thompson qui écrivit une série de livres dont l'action se déroulait au Plaza
Hôtel de New York. Son héroïne était une petite fille du nom d'Eloïse à qui
elle attribua un Carlin comme compagnon d'aventures.
La race s'est imposée d'elle-même à la fin du siècle. Ainsi, en 1995, l'AKC
comptait 15 927 nouvelles inscriptions de Carlins et la race occupait la 26ème
place du classement des 137 races répertoriées [6].